Juridique

Données personnelles interdites : quelles sont-elles ?

3, 2, 1 : interdit. L’article 9 du RGPD ne tergiverse pas. Certaines données n’ont tout simplement pas le droit de circuler, sauf exceptions strictes et dûment motivées. Pour une entreprise, même un recueil accidentel peut suffire à déclencher des sanctions sévères. Et peu importe l’intention : la simple présence de ces informations dans une base de données suffit. Les autorités de contrôle, elles, relèvent régulièrement des infractions, parfois sans que les personnes concernées n’en aient connaissance, parfois sans aucune justification légale valable.

À cela s’ajoutent des disparités entre le règlement européen et des législations nationales qui brouillent parfois les repères. Le terme « interdiction » ne signifie pas bannissement total : quelques dérogations demeurent, mais leur utilisation reste sous haute surveillance et encadrée par des critères précis.

Données personnelles interdites : de quoi parle-t-on selon le RGPD ?

Le règlement général sur la protection des données (RGPD) resserre la vis autour de certaines données, jugées trop sensibles pour circuler sans garde-fous. Il ne s’agit pas seulement d’informations d’état civil ou de coordonnées : ce sont les facettes les plus privées, celles qui exposent à des discriminations, qui sont visées. Le texte, adopté par le Parlement européen et le Conseil, dresse un inventaire sans ambiguïté, sous l’œil attentif de la Commission et de chaque autorité de contrôle nationale.

Pour bien cerner la portée de cette interdiction, voici les catégories explicitement protégées selon le RGPD :

  • Origines raciales ou ethniques
  • Opinions politiques
  • Convictions religieuses ou philosophiques
  • Appartenance syndicale
  • Données génétiques
  • Données biométriques permettant d’identifier une personne physique
  • Données concernant la santé
  • Données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle

Chacune de ces catégories bénéficie d’une protection renforcée car mal utilisée, elle peut devenir une source de stigmatisation ou d’exclusion. Le traitement de ces données n’est admis que dans des situations très précises, prévues par le droit de l’Union ou d’un État membre. La Loi informatique et libertés française reprend ces exigences, tout en ajoutant parfois ses propres nuances dans certains secteurs.

Impossible pour une entreprise ou une administration de se retrancher derrière l’ignorance : il suffit qu’une information couverte par ces catégories se retrouve dans ses fichiers pour engager sa responsabilité. Les autorités de contrôle ne laissent rien passer. Mais l’enjeu dépasse la simple conformité juridique : la confiance autour de la protection des données reste une valeur stratégique, en particulier dans le paysage européen actuel.

Exemples concrets de données sensibles et risques associés à leur traitement

Au quotidien, la distinction entre ce que l’on peut faire et ce qui est proscrit n’a rien d’abstrait. Prenons le secteur médical : un hôpital manipule des données de santé, diagnostics, traitements, antécédents. Si ces informations venaient à fuiter, la personne concernée pourrait se voir discriminée par un assureur ou un employeur. Les risques sont bien réels, immédiats.

Dans une entreprise, la question des convictions religieuses peut surgir de façon inattendue. Proposer des menus spécifiques à la cantine, gérer certains jours fériés : autant de situations où l’on touche à l’intime. Même sans volonté manifeste, la collecte ou l’enregistrement de ces choix expose à des soupçons de traitement illicite et à des sanctions de l’autorité de contrôle.

Côté secteur public, la gestion des opinions politiques doit être irréprochable. Un formulaire d’adhésion, une étude d’opinion mal cadrée, et la donnée devient une arme à double tranchant. Dès qu’un fichier permet d’identifier une personne physique et de relier son identité à ses idées ou à son engagement, le RGPD impose une vigilance extrême.

Des exceptions existent, notamment pour des motifs d’intérêt public ou dans le cadre de la recherche scientifique. Mais ces cas sont strictement encadrés, nécessitent souvent une autorisation préalable et restent l’exception plutôt que la règle. La protection des données sensibles ne souffre aucun relâchement : la moindre faille se paie cash, à la fois sur le plan légal et en termes d’image.

Homme préoccupé regardant son smartphone avec alertes de confidentialité

Entreprises et organismes : quelles obligations pour la collecte et la gestion de ces données ?

Le RGPD ne tolère aucune improvisation dès qu’il s’agit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel interdites. La responsabilité du responsable de traitement est engagée à chaque étape. À la moindre faille, la CNIL, ou toute autorité de contrôle compétente en Europe, peut intervenir, avec à la clé des sanctions financières et une exposition médiatique indésirable.

Obligations structurantes

Voici les principales règles à respecter pour ne pas franchir la ligne rouge :

  • Informer la personne concernée sur la nature des données collectées, l’objectif du traitement, la durée de conservation et les droits d’accès ou d’opposition.
  • Désigner un délégué à la protection des données (DPO) dès lors que le traitement porte sur des catégories sensibles ou concerne un nombre important de personnes.
  • Adopter des mesures organisationnelles et techniques pour garantir la sécurité et la confidentialité des données à chaque étape.
  • Se conformer aux exigences de la Loi informatique et libertés mais aussi aux textes du Parlement européen et du Conseil.

Le traitement de ces données n’est toléré que dans des contextes très précis : obligation légale, exercice d’un droit en justice, intérêt public, ou recherche scientifique. Toute sortie de ce cadre expose à des recours et à des amendes. Chaque collecte, chaque usage doit être documenté, justifié, prêt à être examiné en cas de contrôle.

Enfin, les droits des personnes concernées sont prioritaires : accès, rectification, effacement, limitation, opposition. Ce respect n’est pas un simple affichage, mais la colonne vertébrale de la relation de confiance entre une organisation et ceux qui lui confient leurs données, qu’il s’agisse de clients, de salariés ou d’usagers.

Face à la tentation de la donnée, la règle est claire : mieux vaut réfléchir deux fois avant de recueillir ce qui, demain, pourrait coûter cher, financièrement, mais surtout en réputation.